Allocution du Procureur Serge Brammertz devant le Conseil de sécurité de l’ONU
Aujourd’hui, Serge Brammertz, le Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le « Mécanisme »), a pris la parole devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour faire le bilan des travaux du Bureau du Procureur (le « Bureau »).
Dans son vingt-septième rapport sur l’avancement des travaux adressé au Conseil de sécurité, Serge Brammetz a fait le point sur les deux priorités stratégiques du Bureau, à savoir participer aux procédures résiduelles relevant du mandat du Mécanisme et assister les juridictions nationales dans la poursuite des auteurs de crimes internationaux commis au Rwanda et en ex‑Yougoslavie.
S’agissant de l’affaire Le Procureur c. Kabuga, l’Accusation a soutenu que Félicien Kabuga pouvait être rapatrié au Rwanda, qui est le seul pays disposé et prêt à l’accueillir sur son territoire. Le 13 novembre, la Chambre de première instance a rendu sa décision dans laquelle elle conclut que Félicien Kabuga ne peut pas être transporté au Rwanda par avion et prie les États européens d’accueillir Félicien Kabuga sur leur territoire. L’Accusation a interjeté appel de cette décision le 28 novembre.
En ce qui concerne l’affaire renvoyée mettant en cause Fulgence Kayishema, qui a été arrêté le 24 mai 2023 mais qui reste détenu en Afrique du Sud, l’Accusation a, pendant la période considérée, déposé sept écritures dénonçant les efforts déployés par Fulgence Kayishema visant à retarder encore davantage son procès et à faire obstacle à la justice. Le Procureur Serge Brammertz a demandé instamment à l’Afrique du Sud de remettre immédiatement Flugence Kayishema au Mécanisme en exécution du mandat d’arrêt, faisant observer que « [t]rop de temps s’est déjà écoulé, et les victimes de Fulgence Kayishema méritent que justice soit enfin rendue».
Le Bureau a continué de fournir une assistance considérable aux États Membres qui enquêtent sur les crimes commis au Rwanda et en ex‑Yougoslavie et qui en poursuivent les responsables. Au cours des six derniers mois, 76 affaires portées devant des juridictions nationales de 13 pays ont bénéficié du soutien du Bureau. En particulier, en juin 2025, sur la base de renseignements communiqués par le Bureau, les autorités rwandaises ont placé en détention Fulgence Niyibizi, qui a été mis en accusation il y a plus d’une décennie pour des crimes commis à Butare. Par ailleurs, un acte d’accusation a été dressé par les autorités monténégrines sur le fondement d’un dossier d’enquête précédemment transmis par le Bureau.
Dans son allocution devant le Conseil de sécurité, Serge Brammertz a évoqué les résultats obtenus par le Mécanisme depuis sa création en 2010, en particulier en ce qui concerne la recherche des fugitifs mis en cause par le TPIR et le TPIY. Comme il l’a souligné, « [à] l’époque, le rythme des arrestations avait ralenti et l’on ignorait quand ces fugitifs seraient arrêtés, voire s’ils le seraient un jour, et quand commenceraient leurs procès ». Aujourd’hui, en revanche, « [t]ous les fugitifs recherchés par le TPIR et le TPIY ont été retrouvés. Tous les procès internationaux des fugitifs ont été menés à leur terme. La tâche qui semblait quasiment impossible en 2010 est désormais pleinement accomplie ».
Parallèlement, le Mécanisme a une autre mission essentielle, celle de soutenir les efforts déployés au niveau national pour que justice soit rendue. Depuis l’adoption des stratégies d’achèvement des travaux en 2004, les États Membres ont pris en charge l’intégralité du processus d’établissement des responsabilités. Le Bureau a appuyé ces efforts en répondant à plus de 4 000 demandes d’assistance. Le Procureur Serge Brammertz a fait observer que « [l]a justice nationale a pris le relais de la justice internationale, dont l’œuvre arrivait à son terme, et les responsabilités ont continué d’être établies, selon le souhait du Conseil de sécurité ».
En ce qui concerne l’avenir, Serge Brammertz a déclaré au Conseil de sécurité qu’« [i]l reste encore à faire au niveau national, et des défis de taille à relever. Nombreux sont les victimes et rescapés qui attendent toujours que justice soit faite, et les familles des disparus sont toujours à la recherche de leurs proches. Plus le temps passe, plus il devient urgent de remédier à leur souffrance ».
Abordant la question du renouvellement du mandat du Mécanisme, qui sera examinée par le Conseil de sécurité l’année prochaine, le Procureur Serge Brammertz a précisé que « les enquêtes et les poursuites nationales demeureront nombreuses pendant plusieurs années encore ». Selon lui, il sera essentiel de veiller à ce que l'Organisation des Nations Unies puisse continuer de fournir aux États Membres l’assistance dont ils auront besoin.
Enfin le Procureur a dit que, « [e]n conclusion, grâce au soutien indéfectible du Conseil de sécurité et aux efforts inlassables du personnel du Mécanisme, nous pouvons dire aujourd’hui que le Mécanisme a rempli sa mission la plus importante ». Comme il l’a souligné, « [p]our les victimes, les sociétés touchées et la communauté internationale, il était extrêmement important que soient achevés les derniers procès du TPIR et du TPIY ». Et d’ajouter que c’est au niveau national que devront désormais être établies les responsabilités, reconnaissant que « [d]ans ce domaine également, le Conseil de sécurité a joué un rôle décisif en encourageant l’adoption des stratégies d’achèvement des travaux et le transfert de responsabilités aux États Membres. S’il reste encore à faire, les résultats obtenus jusqu’ici sont indéniables, et ce, sous l’impulsion du Conseil de sécurité ».