Déclaration du Procureur à l’occasion de l’arrêt rendu dans l’affaire Mladić

Procureur
La Haye
Prosecutor Serge Brammertz
Prosecutor Serge Brammertz

Suite au prononcé de l’Arrêt dans l'affaire Le Procureur c. Ratko Mladić, Serge Brammertz, Procureur en chef du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, a fait la déclaration suivante à la presse :

Aujourd’hui, Ratko Mladić, commandant de l’état major principal de l’armée des Serbes de Bosnie, a été définitivement déclaré coupable et condamné à l’emprisonnement à vie pour les crimes qu’il a commis.

La Chambre d’appel a rejeté les appels interjetés par la Défense et a confirmé les principales conclusions tirées par la Chambre de première instance.

Ratko Mladić a été jugé coupable d’avoir dirigé de violentes campagnes de nettoyage ethnique en Bosnie Herzégovine de 1992 à 1995. Il a en outre été déclaré coupable d’avoir dirigé une campagne criminelle contre la population civile durant le siège de Sarajevo. Il a également été déclaré coupable d’avoir employé les forces placées sous son commandement pour commettre un génocide contre la population musulmane de Srebrenica. Enfin, il a été jugé coupable d’avoir pris en otages des membres des forces de maintien de la paix de l’Organisation des Nations Unies et de les avoir utilisés comme boucliers humains.

Le temps est venu d’accepter la vérité.

Ratko Mladić compte parmi les criminels de guerre les plus notoires de l’histoire contemporaine. Il a intentionnellement usé de son pouvoir de commandement militaire pour attaquer, tuer, torturer, violer et chasser des civils innocents sans autre motif que leur origine ethnique et leur religion. Il a attisé la haine ethnique et a menti à ceux qu’il prétendait défendre afin de justifier ses crimes. Investi du pouvoir de vie ou de mort sur des milliers d’hommes et de garçons à Srebrenica, il a ordonné leur élimination complète et a commis un génocide.

Il faut que Ratko Mladić soit condamné par tous les hauts responsables des pays de l’ex Yougoslavie et du monde entier. Son nom doit être inscrit sur la liste des personnages les plus malfaisants et les plus barbares de l’histoire.

Ceci n’est pas un jugement contre le peuple serbe, que Ratko Mladić et ses partisans ont manipulé pendant des dizaines d’années. La culpabilité ne peut être imputée qu’à Ratko Mladić, et à lui seul.

Avec la clôture de l’affaire le mettant en cause, les victimes et les rescapés doivent être au cœur de nos préoccupations.

Cet arrêt confirme une fois encore les souffrances qu’ils ont endurées. Il confirme aussi le courage des témoins qui se sont fait connaître et qui ont dit la vérité.

Au nom de mon Bureau, je souhaiterais rendre hommage aux victimes et aux rescapés qui n’ont jamais cessé de poursuivre leur quête de justice. Nous leur exprimons notre profonde gratitude car, sans eux, nous n’aurions pas été en mesure de faire notre travail. Nous espérons que l’arrêt prononcé aujourd’hui leur apportera quelque réconfort et le sentiment que, malgré toutes les souffrances qu’ils ont endurées et le temps qu’ils ont dû attendre, la justice est possible.

Je souhaiterais également exprimer ma gratitude à la communauté diplomatique et aux médias, qui ont soutenu notre travail pendant plus de vingt ans. Vous avez joué un rôle essentiel pour faire en sorte que Ratko Mladić soit définitivement reconnu coupable de ses crimes

Pour finir, l’arrêt rendu aujourd’hui doit aussi nous rappeler les domaines dans lesquels justice doit encore être rendue. Dans tous les pays de l’ex Yougoslavie, des milliers de personnes soupçonnées de crimes de guerre appartenant à tous les camps doivent encore faire l’objet d’une enquête et être poursuivies. Les procureurs et juges nationaux ont désormais la responsabilité de poursuivre cette tâche, et mon Bureau s’engage à leur apporter un soutien sans faille. Ensemble, nous pouvons veiller à ce que toutes les victimes du génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre perpétrés sur le territoire de l’ex Yougoslavie puissent voir les coupables répondre de leurs crimes.