Allocution du Procureur, Serge Brammertz, devant le Conseil de sécurité de l’ONU

Bureau du Procureur
Arusha, La Haye
Procureur Serge Brammertz
Procureur Serge Brammertz

Serge Brammertz, le Procureur du Mécanisme appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux internationaux (le « Mécanisme »), a pris la parole aujourd’hui devant le Conseil de sécurité de l’ONU (le « Conseil de sécurité »).

Il a tout d’abord annoncé au Conseil de sécurité la reprise des audiences cinq mois seulement après que la pandémie de Covid‑19 a forcé le Mécanisme à adopter le travail à distance.

À la division d’Arusha, le Bureau du Procureur a présenté ses moyens de preuve et ses témoins dans l’affaire Turinabo et consorts en seulement six semaines, et se prépare à présent à répondre aux moyens qu’exposeront les équipes de la Défense. À la division de La Haye, le procès en appel dans l’affaire Mladić s’est tenu au mois d’août. Dans l’affaire Stanišić et Simatović, la présentation des moyens de preuve est maintenant terminée et le Bureau du Procureur prépare son mémoire en clôture et son réquisitoire. Le Procureur a informé le Conseil de sécurité que, dans ces trois affaires, les jugements en première instance ou en appel sont attendus d’ici à la fin du mois de mai de l’année prochaine.

S’agissant de l’affaire Kabuga, Serge Brammertz a fait état du bon déroulement des travaux préalables au procès. En dépit des restrictions liées au Covid‑19, le Bureau du Procureur s’emploie activement à préparer le procès et à s’acquitter des obligations qui lui incombent dans la phase de mise en état. Le Procureur a en outre souligné l’étroite coopération fournie dans le cadre de cette affaire par les autorités rwandaises, auxquelles il a exprimé sa gratitude.

Au sujet de la recherche des dernières personnes mises en accusation par le TPIR qui échappent encore à la justice, Serge Brammertz a informé le Conseil de sécurité que Fulgence Kayishema était toujours en fuite car l’Afrique du Sud, depuis deux ans et demi, n’a pas coopéré efficacement.

Le Procureur a rappelé au Conseil de sécurité les accusations retenues contre Fulgence Kayishema, mentionnant en particulier le rôle de ce dernier dans le massacre perpétré le 16 avril 1994 contre 2 000 civils tutsis à l’église de Nyange. Il a rappelé que « [d]ans un acte sacrilège d’une brutalité inimaginable, [un] bulldozer a été utilisé pour démolir l’église alors que les réfugiés se trouvaient encore à l’intérieur », et que plus de 1 500 femmes, hommes, enfants et personnes âgées sont alors morts écrasés.

Serge Brammertz a ajouté que, alors que Fulgence Kayishema s’était soustrait à la justice pendant de nombreuses années, son Bureau était finalement parvenu, il y a près de trois ans, à le localiser en Afrique du Sud. Après confirmation par INTERPOL des informations dont il disposait, le Bureau du Procureur a alors adressé une demande urgente d’assistance à l’Afrique du Sud afin que Fulgence Kayishema soit promptement arrêté.

Le Procureur a déploré devant le Conseil de sécurité que, pendant un an et demi, l’Afrique du Sud n’ait pourtant rien entrepris pour arrêter Fulgence Kayishema. Ce n’est qu’en décembre 2019 qu’une opération d’arrestation a finalement été lancée. « Mais Fulgence Kayishema était alors devenu introuvable », a-t-il observé.

Le Procureur a fait savoir que l’Afrique du Sud n’apportait toujours pas la coopération requise. Il a expliqué que son Bureau avait récemment effectué deux missions en Afrique du Sud afin d’obtenir enfin d’importantes informations qui permettraient de continuer à rechercher Fulgence Kayishema. Les deux missions ont été décevantes et se sont soldées par un échec.

À propos de la recherche des fugitifs, Serge Brammertz a conclu devant le Conseil de sécurité en ces termes : « [L]’absence d’une coopération efficace continue de retarder notre travail. » Et il a fait observer ce qui suit : « À l’heure où mon Bureau s’efforce de surmonter les difficultés auxquelles il fait face, l’appui résolu du Conseil sera essentiel. Les États Membres devraient comprendre que lorsque mon Bureau leur demande de coopérer, il le fait avec l’autorité que lui a conférée le Conseil de sécurité. »

Enfin, le Procureur a parlé devant le Conseil de sécurité de l’assistance qu’apporte son Bureau aux institutions nationales chargées de poursuivre les auteurs de crimes internationaux commis au Rwanda et en ex‑Yougoslavie, ainsi que de la recherche des personnes portées disparues.

S’agissant des crimes commis pendant le génocide rwandais, le Procureur a fait état de récentes arrestations en Belgique et aux Pays‑Bas, observant qu’elles « démontrent que la coopération internationale est essentielle et que justice peut être rendue dans les tribunaux du monde entier ». Serge Brammertz a exhorté à une pleine coopération avec le procureur général du Rwanda, qui s’attache à traduire en justice des centaines de personnes encore en fuite.

S’agissant des crimes commis en ex‑Yougoslavie, le Procureur a fait savoir que grâce aux efforts de son Bureau, un certain nombre de dossiers établis dans d’importantes affaires complexes ont été transférés à la Croatie, à la Serbie et au Monténégro. « Ces avancées donnent aux États concernés une occasion majeure de tenir dans les faits l’engagement qu’elles ont pris d’établir pleinement les responsabilités, en particulier pour ce qui est des suspects de haut rang ou de rang intermédiaire qui n’ont pas été inquiétés et ont vécu en toute impunité jusqu’à présent », a-t-il fait remarquer.

En ce qui concerne la recherche des personnes toujours portées disparues depuis les conflits en ex‑Yougoslavie, Serge Brammertz a signalé que son Bureau continue de travailler avec le Comité international de la Croix Rouge et les autorités nationales chargées de la recherche des personnes disparues. « Nous sommes en mesure d’annoncer que nos efforts se traduisent par des résultats significatifs », a-t-il dit, faisant état de la fosse commune qui a été récemment découverte en Serbie et des fosses qui ont été localisées en Bosnie‑Herzégovine au cours de la période considérée. Comme le Procureur l’a rappelé au Conseil de sécurité, « [p]lus de deux décennies après la fin des conflits, 10 000 familles attendent toujours de savoir ce qu’il est advenu de leurs proches. Retrouver toutes les personnes disparues est un impératif humanitaire ».

Le Procureur a conclu son allocution en exprimant sa gratitude au Conseil de sécurité pour le soutien continu qu’il apporte à son Bureau.