Discours du Procureur Brammertz au Conseil de sécurité de l’ONU

Bureau du Procureur
Arusha, La Haye
Procureur Serge Brammertz
Procureur Serge Brammertz - UN Photo/Manuel Elías

Aujourd’hui, le Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le « Mécanisme »), Serge Brammertz, a pris la parole devant le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies pour l’informer des activités menées par son Bureau.

Il a commencé par exposer au Conseil de sécurité les progrès accomplis dans la recherche des derniers fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Le Procureur Brammertz a déclaré : « Je suis très heureux de pouvoir vous informer que, durant ces deux dernières années, mon Bureau a retrouvé la moitié des fugitifs qui étaient toujours en fuite après la fermeture du TPIR. Il s’agit notamment de tous les trois fugitifs considérés comme faisant partie des principaux fugitifs », à savoir Félicien Kabuga, Augustin Bizimana et Protais Mpiranya. Faisant observer que ces résultats « import[ai]ent », il a ajouté que « [s]i rien ne peut effacer la douleur des victimes, nous espérons cependant qu’elles seront satisfaites de savoir que la chasse aux fugitifs se poursuit ».

Le Procureur a signalé en outre que, pour l’heure, seuls quatre fugitifs étaient encore recherchés, dont Fulgence Kayishema, qui constituait la priorité essentielle. Sur ce point, il a fait savoir au Conseil de sécurité qu’« après plusieurs années difficiles, des progrès [avaie]nt été réalisés en ce qui concerne la République d’Afrique du Sud » et que le Bureau du Procureur était « certain[…] que, grâce à la coopération pleine et efficace de l’Afrique du Sud, Fulgence Kayishema sera[it] bientôt arrêté et traduit en justice ». Il a informé le Conseil de sécurité que, compte tenu des progrès accomplis, le but du Bureau du Procureur était de retrouver les quatre derniers fugitifs dans les deux années à venir.

S’agissant des dernières procédures en première instance et en appel devant le Mécanisme, le Procureur Brammertz a précisé que son Bureau était prêt pour l’ouverture du procès dans l’affaire Kabuga et qu’il avait pris des mesures visant à réduire sensiblement la durée du procès, en présentant une grande partie de ses éléments de preuve par écrit. Il a ajouté que l’arrêt dans l’affaire Fatuma et consorts devait être rendu à la fin du mois et que, dans le même temps, le Bureau du Procureur préparait activement ses arguments oraux en appel dans l’affaire Stanišić et Simatović.

En ce qui concerne les poursuites engagées par les juridictions nationales chargées de poursuivre les auteurs de crimes commis pendant le génocide des Tutsis en 1994 et les conflits en ex‑Yougoslavie, le Procureur Brammertz a rappelé au Conseil de sécurité que des milliers d’affaires étaient toujours pendantes devant les juridictions nationales. Il a expliqué que le maintien de l’aide apportée par le Bureau du Procureur « [était] essentiel[…] à l’accomplissement de cette tâche », ce qui se reflétait dans le grand nombre de demandes d’assistance adressées à son Bureau par les parquets nationaux.

Pour ce qui est de l’ex‑Yougoslavie, le Procureur a souligné que « l’enjeu le plus important demeur[ait] la coopération judiciaire dans la région ». Il a fait observer que si des avancées étaient à noter entre les procureurs de Bosnie‑Herzégovine et de Serbie, « ces deux pays éprouv[ai]ent de graves difficultés à obtenir la coopération de la Croatie », des demandes d’assistance demeurant sans réponse dans plus de 80 affaires, dont certaines depuis sept ans. Le Procureur Brammertz a déclaré : « Aujourd’hui, nombreux sont ceux à avoir l’impression qu’il existe en Croatie la volonté de rendre justice aux victimes croates mais non aux victimes d’autres groupes ethniques ». Il a appelé le Ministère croate de la justice à « envoyer toutes les demandes d’assistance pendantes […] actuellement bloquées […] aux autorités judiciaires compétentes, et encourager ces dernières à traiter ces demandes en urgence ».

Le Procureur a également demandé instamment aux pays de l’ex‑Yougoslavie de « mettre de côté leurs clivages politiques et de renforcer sensiblement leur coopération pour retrouver les personnes disparues. C’est un impératif humanitaire ».

Sur la question de l’établissement des responsabilités pour les crimes commis pendant le génocide des Tutsis en 1994, le Procureur Brammertz a expliqué que nul n’ignorait « qu’il convenait de redoubler d’efforts afin que les génocidaires qui ont fui vers d’autres pays, notamment en Europe et en Afrique, ne restent pas impunis ». Il a fait remarquer que « [l]a difficulté résid[ait] véritablement dans l’adéquation des priorités et des ressources et, parfois, dans le manque de volonté politique ». Il a mis en avant que, s’il était certes compréhensible que l’accent soit mis sur « les crimes commis aujourd’hui, cela ne saurait servir de prétexte pour ne pas mener d’enquêtes et laisser impunis les crimes de génocide perpétrés au Rwanda il y a 20 ans ». Comme l’a souligné le Procureur Brammertz, « [n]otre détermination à mettre fin à l’impunité et établir les responsabilités pour des crimes internationaux doit être véritablement universelle ».

Pour conclure, le Procureur Brammertz a exprimé les remerciements de son Bureau au Président Carmel Agius pour le rôle moteur joué par ce dernier pendant sa présidence, et il a réaffirmé l’importance cruciale du soutien apporté par le Conseil de sécurité dans l’accomplissement du mandat du Bureau du Procureur.